LES PARTICULARISMES DU STRAIGHT EDGE 1 / LE STRAIGHT-EDGE EN TANT QUE MOUVEMENT A / Les cadres traditionnels d'études des groupes et mouvements sociaux2 / DU DISCOURS A L’ACTION DE STRAIGHT-EDGE A / Le discours straight-edge1) Les vecteurs du discours straight-edgeB / La diversité des approches du straight-edge 1 / LE STRAIGHT-EDGE EN TANT QUE MOUVEMENT Comment étudier le straight-edge en tant que mouvement ? Plusieurs possibilités s’offrent à nous : soit nous considérons que le straight-edge est une organisation comme d’autres, il peut donc être étudié parmi les autres groupes sociaux, en utilisant les méthodes traditionnelles de la psychosociologie et de la sociologie. Ou alors nous considérons que le straight-edge est un mouvement singulier, qu’on ne peut donc pas comparer, ou bien que du fait de la relativité des données sur le straight-edge, il soit difficile de l’inscrire dans des cadres traditionnels. Il faut alors proposer une démarche alternative : Si le straight-edge ne rentre pas dans les cadres d’étude traditionnels, en quoi peut-il être considéré comme un mouvement ? Possède-t-il des leaders, des dirigeants ? Que pensent les straight-edgers à ce sujet ? Enfin est-il possible d’étudier le straight-edge dans ses sous-divisions : les crews ? A / LES CADRES TRADITIONNELS D’ETUDES DES GROUPES ET MOUVEMENT SOCIAUX Le straight-edge peut-il s’intégrer dans une étude de psychosociologie concernant les groupes sociaux ? Qu’est exactement le straight-edge au regard de cette discipline ? un groupe, un mouvement, une communauté ? Peut-on comparer le straight-edge avec d’autres mouvements ? Avec quels instruments ? Intégrer le straight-edge dans ces études traditionnelles, c’est en quelque sorte délaisser une certaine approche ethnologique au profit de méthodes de sociologie et de psychologie sociale. Le cadre privilégié d’étude en psychosociologie est celui des groupes sociaux, d’où est dérivée l’étude des mouvements. Considérons donc d’abord le straight-edge comme un groupe : pour qu’un ensemble d’individus se transforme en groupe social, plusieurs conditions sont exigées : il faut que ces individus aient une certaine forme d’interaction sociale entre eux, habituellement face à face. Il faut de plus qu’ils aient un but commun et enfin il faut qu’ils s’influencent ou bien qu’il y ait une interdépendance entre les différents membres du groupe. Or le straight-edge ne remplit que très partiellement ces conditions : la taille et la dispersion géographique du straight-edge entre différentes scènes, empêche l’existence d’un niveau suffisant d’interactions sociales, qui plus est face à face. L’existence d’un but commun aux straight-edgers n’est pas certaine, de même que l’interdépendance entre les différents membres du groupe. Ainsi l’état de nos connaissances sur le straight-edge et sur les groupes sociaux en général, nous empêche de considérer le straight-edge sous cet angle de la psychosociologie. Il nous faut alors utiliser une autre approche. Nous l’avons dit, un mouvement semble assez proche du straight-edge par certains de ses aspects : le punk. Est-il alors possible de comparer straight-edge et punk ? Par quels instruments ? Nous avons partiellement procédé à cette comparaison au niveau des principes et de certaines valeurs. Il faudrait garder la même démarche dans l’aspect organisationnel des deux groupes. Un problème majeur se pose immédiatement : la faiblesse des études consacrées au mouvement punk dans son aspect organisationnel. Il ne nous paraît donc pas possible d’utiliser une méthode comparative pour l’étude du straight-edge en tant que mouvement. Les cadres d’étude de la psychosociologie étant inopérants pour le straight-edge en tant que groupe social et mouvement ; la méthode comparative avec le punk ne paraissant pas possible non plus ; il va donc falloir utiliser d’autres méthodes pour étudier cet aspect du straight-edge. B / LE STRAIGHT-EDGE EST UN MOUVEMENT POUR SES ACTEURS Le chapitre précédent semble nous obliger à étudier différemment le straight-edge. Quel est alors le discours des straight-edgers sur la question ? Se considèrent-ils comme membres d’un mouvement ? Et pourquoi se considérer comme membres d’un mouvement, alors que d’une certaine façon cela revient à s’exclure ? Si nous avons en fait depuis le début de cette étude parlé de mouvement straight-edge, c’est bien parce qu’une grande partie des straight-edgers proclame son appartenance au mouvement straight-edge. Le discours sur le straight-edge en tant que mouvement semble à première vue univoque : Le créateur du terme straight-edge Ian MacKaye considère que « le mouvement avait en quelque sorte commencé [vers 1985] » même si « dans mon esprit cela ne m’intéressait pas que cela soit un mouvement. Le straight-edge s’est développé à l’inverse de mon idée initiale dans laquelle il n’était qu’un concert d’individus, ce qui s’oppose à un mouvement ». Pour l’une de ses principales figure le straight-edge s’est donc très tôt (au milieu des années 80) constitué en mouvement et non plus simplement en un ensemble d’individus. Selon Time magazine, le straight-edge est « un mouvement non structuré de jeunes gens ». On retrouve ici l’idée d’absence d’organisation dans le straight-edge ce qui renvoie au problème du leadership que nous traiterons plus tard. Courtney Centner considère-elle que : « quand les membres de cette sous-culture [le straight-edge] parlent du straight-edge, ils y font le plus souvent référence comme d’un mouvement. La notion de straight-edge en tant que mouvement résulte d’un désir de cette sous-culture à la fois de s’abstenir de et de changer un aspect de la société qui est devenu normalisé ». Pour Courtney Centner le straight-edge est donc un mouvement dans le discours de ses membres, et le fait de se considérer comme membre d’un même mouvement vient d’un rejet d’un aspect de la société, que nous appelons le mainstream. Nous considérons également que le straight-edge est un mouvement même s’il ne rentre à priori pas dans les cadres d’analyses traditionnels des sciences sociales. Le straight-edge est en effet un mouvement pour la majorité de ses membres. Le straight-edge est donc un mouvement dans le sens où il rassemble des individus dotés de principes communs et qui ont pleinement conscience de leur appartenance à ce mouvement. Pour C. Centner le straight-edge se constitue en mouvement à cause du mainstream : « les sous-cultures comme le straight-edge se séparent volontairement de leurs contemporains pour établir un style qui évoque une représentation collective du groupe comme séparé de la populace. » Comprendre comment le straight-edge, ou plutôt les straight-edgers se séparent du mainstream peut nous aider à comprendre ses origines. C / LES INSTRUMENTS DE L’AFFIRMATION D’UNE IDENTITE STRAIGHT-EDGE Le straight-edge se constitue donc en mouvement en s’excluant du reste de la société, du moins de ce qui est considéré comme appartenant au mainstream. Nous avons envisagé partiellement cette séparation au niveau des principes et de certaines valeurs du straight-edge, il convient maintenant d’envisager les instruments de l’affirmation de cette identité de groupe. Ces instruments peuvent-ils par ailleurs valider notre hypothèse sur l’émergence et le développement du straight-edge en réaction contre l’ordre social dominant ?
Il existe à priori trois séries d’instruments différents : les concerts ; l’allure, les vêtements et le X ; Internet. 1) Les concerts Le straight-edge étant intimement lié à la musique, les concerts sont des endroits privilégiés pour clamer son appartenance au straight-edge, ce qui n’est pourtant pas la seule fonction des concerts. « Les concerts hardcore sont le lieu où les straight-edgers se rassemblent pour exprimer collectivement leurs croyances, rencontrer des gens qui partagent leur philosophie et juste pour s’amuser (…) simplement en assistant à un concert ou en chantant les paroles dans leurs chambres, les kids assurent la notion de groupe uni contre des ennemis communs, renforçant les individus dans leurs croyances. L’intensité de l’émotion, de l’insurrection et du contentement à un concert, résultant du rejet de pratiques sociales spécifiques et la reconnaissance du fait que « vous n’êtes pas seuls » est évidemment une énergie puissante». En effet l’intensité des concerts atteint un paroxysme pour les groupes straight-edge hardcore. Le public connaît les paroles des groupes et les scande fièrement, nombreux sont ceux qui tentent pour cela de s’emparer du micro. Des groupes submergés par l’enthousiasme des spectateurs sont parfois obligés d’arrêter de jouer faute de place. L’empilement du public dans sa lutte pour le micro a même un nom : les piles-on. L’intensité est encore renforcée par le type de danse à première vue extrêmement violente pratiquée par une partie du public et parfois appelée Karaté Danse Style. Ce style de danse, véritable défouloir, est en effet à base de coups de pieds et moulinets de bras. Ce style, très répandu aux Etats-unis et importé en Europe est pourtant très mal vu dans certaines scènes straight-edge. Ces danses seraient si violentes qu’elles en deviendraient fascisantes, empêchant une partie du public de jouir du concert, ou alors au risque de se faire blesser. Certaines affiches de concert du H8000 crew portent ainsi l’inscription « pas de danses violentes ». Ce débat sur les danses violentes est un autre sujet de discorde au sein des scènes straight-edge et hardcore. Par ces danses et la participation active du public au micro, un concert est souvent physiquement éprouvant pour le public. On touche ici la première fonction d’un concert, celle d’exutoire par lequel on évacue les frustrations emmagasinées dans sa vie sociale. Il existe bien une deuxième fonction mise en avant par C. Centner : le renforcement de la notion de groupe uni ; faire partie de ceux qui hurlent à un concert d’Earth Crisis « I AM STRAIGHT EDGE » renforce évidemment la croyance quant à l’existence d’un mouvement straight-edge fort. Indépendamment de la pratique musicale en elle-même, les concerts sont pour de nombreux straight-edgers l’occasion de retrouver d’autres amis straight-egders. Soit qu’ils appartiennent à une autre ville de la même scène ou bien à une autre scène : les tournées des groupes straight-edge sont l’occasion de se déplacer de villes en villes pour retrouver des amis qui forment des contacts dans la scène. La musique straight-edge étant en grande partie indépendante, c’est par ces contacts que les groupes peuvent trouver des dates de concert, souvent à charge de revanche. Les interactions sont parfois nombreuses entre scenesters issus de différents endroits. Le festival belge du Vort’ N Vis est l’occasion de se retrouver pour une partie de la scène straight-edge européenne. Les groupes et spectateurs sont en effet issus d’une vingtaine de pays. Les straight-edgers se déplacent évidemment plus et plus souvent quand la distance géographique entre scènes est faible comme au Benelux ou en Allemagne. Ces zones formant des pôles d’attraction qui attirent le public du reste de l’Europe. Ainsi, les concerts possèdent donc plusieurs fonctions, dont celle de renforcer les straight-edgers dans leur croyance qu’ils appartiennent à un mouvement grâce à l’intensité des concerts et les rencontres avec d’autres straight-edgers. 2) L’allure et les vêtements Plusieurs éléments dans cette partie renforcent identification en tant que straight-edge : les vêtements ; la coupe de cheveux ; le X. C. Centner a étudié l’aspect vestimentaire : « au début, et jusqu’au milieu des années 80, il y avait un style bien défini qui incluait des pantalons larges (baggys), des chaînes aux portefeuilles, des sacs à dos et des chaussures de course. Cependant, comme la culture mainstream s’est appropriée un style similaire, il est maintenant plus difficile de distinguer une mode straight-edge. Bien que ce style soit considéré comme appartenant au mainstream, il existe toujours dans la scène sans être dominant. Au début de l’année 96, dans les scènes du Nord-Est des Etats-Unis, j’ai observé un retour à une mode plus conventionnelle que dans les années précédentes (…) les hardcore kids authentiques ont du retourner à l’ancienne mode pour retrouver une authenticité ». Cet exemple à priori anecdotique est en fait parfaitement révélateur de la volonté des straight-edgers de se démarquer du mainstream. Rattrapés dans leurs différences vestimentaires, ils se changent pour se repositionner et retrouver une originalité qui fait leur distinction. Cela ne concerne évidemment pas tous les straight-edgers et dans ce style vestimentaire on retrouve l’influence d’autres styles comme le skate pour les baggys ou les chaînes de portefeuille. Les sweats à capuches( hooded) et les baggys sont encore largement majoritaires en Europe. La coupe de cheveux est un autre moyen de se distinguer. Les straight-edgers, comme les fans de hardcore en général ont une prédilection pour les cheveux coupés extrêmement courts, voire même rasés. Dans ce cas il s’agit également de se démarquer du mainstream pour lequel des cheveux rasés peuvent choquer, mais aussi du punk et de ses crêtes, comme du métal et de ses cheveux longs. Les cheveux courts renvoient également à un certain nombre d’influences skinhead dans le hardcore. Une partie des membres de la scène hardcore, parmi lesquels des straight-edgers, se disent en effet skinheads tout en refusant toute implication et prise de position sur l’échelle politique ou alors en se réclamant de l’extrême gauche tels les SHARP : SkinHeads Against Racial Prejudice. Des skinheads contre les préjugés raciaux. Afficher le symbole du straight-edge semble pourtant le meilleur moyen de se reconnaître comme membre du mouvement. Le X tire son origine de la marque que font les videurs aux Etats-Unis sur les jeunes de moins de 21 ans qui peuvent rentrer aux concerts mais sans pouvoir boire d’alcool. Le groupe Teen Idles se l’est approprié pour en faire le symbole de ce qui s’est plus tard appelé straight-edge : « l’emblème le plus significatif est le X. Les X sont utilisés de différentes manières pour représenter straight-edge : autour des noms des membres (exemple : xashleyx), dans SxE, sur les adresses Internet, les vêtements, tatouages, pages web, pochettes d’album, etc. » C’est une pratique courante que de tracer un X sur sa main aux concerts pour marquer son appartenance au straight-edge. Le X est le plus souvent noir, mais peut être vert pour les straight-edge écologistes ou rouge pour les straight-edge communistes. Le X est parfois tatoué sur une partie du corps. Le dos de l’album du Path Of Resistance représente même une scène de tatouage sur les mains. Le straight-edge est parfois représenté par un triple X (XXX), qui symboliserait les trois interdictions originelles (don’t drink, don’t smoke, don’t fuck). Une autre hypothèses peut-etre avancee: la pochette de la premiere compilation du label Dischord, inspiree du drapeau de Washington DC (3 etoiles sur deux bandes) representait autant de croix au lieu d'etoiles. seules les croix seraient alors restées comme symboles du straight-edge, tandis que les acteurs eux-memes semblent avoir oublie l'origine de ce symbole." « les videurs de bars ont utilisé le X comme un symbole d’exclusion, marquant d’un X les kids pour les empêcher de boire [de l’alcool]. Les straight-edgers n’ont ensuite pas seulement adopté le X comme un emblème d’auto exclusion, mais plutôt comme un symbole de rejet (…) Les straight-edgers ont pris possession du X et ont reformé sa représentation pour renforcer leur position ». Il est particulièrement intéressant de noter comment les straight-edgers ont transformé en une marque de fierté et d’identité collective le symbole de leur exclusion. L’usage du X est pourtant sujet à débat dans le straight-edge. Certains straight-edgers pensent qu’il s’agit d’une façon de se montrer supérieur à ceux qui ne portent pas le X, qu’ils soient straight-edge ou non. Cette affirmation de l’identité straight-edge entre donc en conflit avec une certaine conception du straight-edge en tant qu’acte personnel qui n’a pas à être affiché. Le rôle du X peut donc parfois être ambiguë, nous le verrons de façon plus précise dans « le discours straight-edge ». Ce X ainsi que les vêtements et la coupe de cheveux sont donc bien une façon de marquer son appartenance au straight-edge et sa singularité à l’égard du mainstream. Le rôle d’Internet doit par contre être discuté. 3) Internet C. Centner dans son étude des rapports entre straight-edge et Internet voit dans l’usage intense qu’en font les kids des petites villes en dehors des scènes, une nouvelle conception de la scène : « la petite scène des années 80 s’est étendue de Washington et New-York au monde entier ». Internet permettrait de renforcer l’idée de l’existence d’un mouvement straight-edge uni au niveau mondial. Cette idée nous semble pourtant devoir être largement relativisée. Elle ne concerne que les habitants des petites villes en dehors des grandes scènes et à notre sens les relations entre straight-edgers ne résident pas fondamentalement dans l’usage d’Internet. Les liens les plus forts se créant a priori entre les scenesters les plus actifs. Les membres d’un groupe, les straight-edgers qui font un label ou un fanzine, ont besoin de contact nombreux pour tourner, vendre des disques, obtenir des interviews. Ces contacts peuvent passer par Internet mais aussi par un autre vecteur. Certes les contacts entre straight-edgers issus de scènes éloignées sont favorisés par l’utilisation d’Internet, mais parler de scène straight-edge mondiale unie nous semble illusoire. Le straight-edge au niveau mondial est plutôt un réseau lâche de solidarités ne touchant particulièrement que ceux qui ont un accès Internet. Internet ne contribue donc que faiblement à créer un mouvement straight-edge uni. Les straight-edgers utilisent donc les instruments des concerts, de leur allure et vêtements, du X et dans une moindre mesure d’Internet pour affirmer leur identité en tant que mouvement. Ces instruments forment en quelque sorte une médiation entre les straight-edgers et le straight-edge en tant que mouvement, tout comme ils permettent de se démarquer de ce qui est considéré comme faisant partie du mainstream. Est-ce que pour autant « la notion de straight-edge résulte d’un désir (…) de s’abstenir de, et de changer un aspect de la société qui est considéré comme normalisé » ? Est-ce que le straight-edge en tant que mouvement et non plus seulement en tant que principes et valeurs est issu d’une réaction contre l’ordre social dominant : le mainstream ? Les instruments de constitution du straight-edge en tant que mouvement sont également des instruments, plus que de marquage, de démarcation. Il existe un côté valorisant dans le fait de s’étiqueter straight-edge. Etiquetage qui pourtant éloigne de la norme, de la majorité, du mainstream. Sous cet angle, les instruments d’affirmation de l’identité du straight-edge en tant que mouvement permettent bien de renforcer la thèse de l’émergence du straight-edge comme réaction face à un ordre social dominant. Le straight-edge est bien un mouvement, mais « non structuré », ce qui suppose l’absence d’organisation formelle et plus particulièrement de leaders. Est-ce bien le cas ? D / LE LEADERSHIP DANS LE STRAIGHT-EDGE Ian Mackaye a spécifié « cela ne m’intéresse pas que le straight-edge soit un mouvement ». Or, avec son groupe Teen Idles, il a crée ce terme de straight-edge et avec un autre groupe Minor Threat, il en a posé les principes. Peut-on alors considérer Ian Mackaye comme un leader du straight-edge ? Les changements de principes depuis le straight-edge originel sont-ils le fait de leaders ? Le leadership renvoyant à l’idée de hiérarchie, existe-t-il une classe dirigeante parmi les straight-edgers ? 1) Des leaders du straight-edge? Pour Ryan Spellecy, straight-edger et assistant de philosophie : « il n’y pas chez nous [l’ensemble du straight-edge] de leader déclaré. Nous sommes un mouvement informel et certainement pas un gang ». Il rejoint ainsi le discours courant des straight-edgers qui considèrent qu’ils n’ont pas de leader.
2) Une classe dirigeante du straight-edge ?Ian Mackaye pourrait être ce leader, mais interrogé sur ce que le végétarisme a à voir avec le straight-edge, il répond : « je lui ai dit que je parlais de mes propres idées sur le straight-edge et sur ce que cela avait de sens, tout comme le végétarisme. C’est comme si je fabriquais de nouvelles règles ou quelque chose comme ça, ce que je n’essayais pas du tout de faire ». Ainsi Ian Mackaye refuse ce rôle de leader, il ne cherche pas à créer de nouvelles règles et on peut considérer qu’il n’est pas non plus le fondateur du straight-edge. Il a bien sur crée avec son groupe le terme même de straight-edge, mais il faisait partie d’un collectif plus important qui tous refusaient l’alcool, la drogue, le tabac et une sexualité de promiscuité. Ian Mackaye a plutôt contribué à faire connaître ces principes par le biais de la musique, chose qu’il fait toujours aujourd’hui avec le groupe Fugazi. Un autre élément nous empêchant de penser Ian Mackaye comme leader du straight-edge est représenté par les changements qui ont affecté les principes même du straight-edge. Ainsi le refus du sexe occasionnel n’appartient pas au straight-edge dans certaines scènes. Au contraire, le végétarisme a été rajouté dans de nombreuses autres. Ian Mackaye, lui même végétarien, n’a pas essayé d’imposer le végétarisme au sein du straight-edge, il est par contre communément admis dans la scène straight-edge que c’est le groupe Youth Of Today qui l’a introduit dans la deuxième moitié des années quatre-vingt. Ce groupe comptait parmi d’autres les légendaires chanteur et guitariste, Ray Cappo et Porcell, connus pour le nombre de groupes dans lesquels ils ont joué. D’après Porcell : « après la sortie du morceau de Youth of Today «No More », pratiquement toute la scène est devenue végétarienne (…) peu après être végétarien est devenu synonyme [sic] d’être straight-edge. Cela m’a vraiment inspiré de penser que les autres [straight-edgers] prenaient vraiment à cœur ce message musical. Les choses commençaient à changer et cela nous a vraiment donné un esprit révolutionnaire. Nous étions prêts à changer le monde ». Peut-on alors considérer ces membres de Youth Of Today comme des leaders du straight-edge ? Il ne nous le semble pas pour plusieurs raisons : d’abord les membres du groupe n’étaient pas surs de la réaction des straight-edgers à cette nouvelle idée de végétarisme : « quand nous avons écrit ce morceau, nous n’étions pas surs que les kids apprécient l’idée [ d’être végétariens] ou bien soient totalement contre ». De plus, quand quelques années plus tard, Porcell et Ray Cappo sont chacun de leur côté devenus dévots de Krishna, il semble que bien peu de straight-edgers les aient suivis dans leur choix. Ainsi il n’existe a priori pas de leaders du straight-edge, pas d’individus dictant les principes aux autres straight-edgers. Il convient plutôt de parler pour des individus comme Ray Cappo, Porcell ou Ian Mackaye, d’icônes. Toutes ces icônes ont été et sont toujours membres de groupes straight-edge. Cette vision est partagée par Nina Chydenius qui pour eux parle de « leaders ou plutôt devrais-je dire personnes les plus importantes du straight-edge ». Il est un aspect hiérarchique du straight-edge que nous n’avons pas envisagé : La théorie de Courtney Centner concernant l’existence d’une classe dirigeante du straight-edge basée sur la possession de « capital sous-culturel ». Pour Courtney Centner : « bien que la culture straight-edge promeuve l’égalité et tente d’établir un collectif sans hiérarchie, il existe assurément une « classe dirigeante » fondée sur la possession de capital sous-culturel [subcultural capital]. En pensant les théories de Pierre Bourdieu en relation avec le champ d’une culture de jeunesse, j’en suis venu à concevoir le fait d’être cool [hipness] comme une forme de capital sous-culturel. Bien que le capital sous-culturel soit un terme que j’ai forgé en relation avec mes propres recherches, il s’accorde raisonnablement bien avec le système de pensée bourdieusien. Le capital sous-culturel confère du prestige à son propriétaire aux yeux du public approprié. Le capital sous-culturel est objectivé sous la forme de coupes de cheveux de bon ton et de collections de disques bien composées (…) l’érudition musicale est particulièrement respectée dans la scène, spécialement si une collection de disques est aussi importante que les connaissances de son propriétaire. Posséder une histoire dans la scène est aussi admiré. De nombreuses conversations ont lieu à propos de qui était à tel concert il y a des années (…) les T-shirts, sweatshirts, patches et autocollants sont une autre forme de capital sous-culturel pour la culture straight-edge, spécialement ceux qui datent d’avant la fin des années 90. Les T-shirts font la promotion des groupes et idéaux du straight-edge, permettant aux autres membres [du straight-edge ] de déterminer à quel point sont cools ceux qui les portent ». Courtney Centner, s’appuyant sur les travaux de Pierre Bourdieu, confère aux straight-edgers la possession de « capital sous-culturel », les plus dotés d’entre eux formant une « classe dirigeante » du straight-edge. Aussi pertinente que paraisse cette théorie, on peut quand même lui adresser quelques critiques. Ainsi parler de « classe dirigeante » du straight-edge, même entre guillemets, revient à concevoir qu’il existe une hiérarchie dans le straight-edge basée uniquement sur le prestige. Cela nous semble quelque peu exagéré. Le prestige conféré par l’érudition musicale au sein d’une scène n’est pas un phénomène propre au straight-edge, mais concerne plutôt dans ce cas le hardcore. Le prestige est à priori reconnu à un straight-edger comme à un non straigh-edger, il ne dépend pas du fait d’être straight-edge. Comment alors en déduire l’existence d’une classe dirigeante du straight-edge ? La théorie de Courtney Centner sur le capital sous-culturel est particulièrement digne d’intérêt, mais l’entraîne dans des conclusions exagérées. Il n’existe donc pas de leader, mais plutôt des icônes du straight-edge tandis qu’un certain nombre de straight-edgers jouissent de prestige au sein de la scène par leur possession de capital sous-culturel. Il est pourtant un aspect du straight-edge en tant que mouvement que nous n’avons pas envisagé : le lien entre le straight-edge et les straight-edgers n’est pas toujours immédiat, il passe parfois par l’intermédiaire des crews. E / LE STRAIGHT-EDGE EN TANT QUE CREWS Le phénomène de crews, propre au hardcore et non pas au punk, concerne de fait les straight-edgers. Certains crews comprennent en partie ou en totalité des straight-edgers. Le terme est en tout cas omniprésent dans la scène hardcore où il possède des connotations véritablement ambivalentes : ils ne sont pour certains que des gangs, tandis que d’autres s’affichent fièrement comme membres d’un crew. Que sont donc les crews pour posséder une image si différente ? Quel est leur rôle dans le straight-edge et le hardcore ? Pourquoi constituer un crew ?
2 / DU DISCOURS A L’ACTION DE STRAIGHT-EDGELe terme de crew peut être traduit dans une vision neutre du phénomène par celui de groupe d’amis. Un crew se compose en effet de scenesters, souvent particulièrement actifs comme membre d’un groupe ou rédacteur d’un fanzine. Le Cabal 315 par exemple, à Syracuse dans l’Etat de New-York, comprend les groupes Contempt, Green Rage, The Path Of Resistance et Earth Crisis. Le crew est mis en avant sur la pochette de l’album du Path Of Resistance où une partie des membres en est photographiée masqué et avec des Hooded Cabal 315. Le nom du crew apparaît également sur les listes de remerciement des disques. Le crew est censé se caractériser par une solidarité très importante, surtout aux concerts. Il faut favoriser les autres membres de son crew, pour par exemple faire jouer un autre groupe à un concert. Le fait est que de très nombreux crews, et parfois les crews en général, ont une image très négative pour une partie des scenesters qui les assimilent à des gangs violents. Il convient pourtant de distinguer les gangs straight-edge de Salt Lake City qui se nomment eux même des crews : « Mafia X crew, Monster crew, Cutthroat crew »; des autres crews présents sur la scène hardcore qui sont eux impliqués dans la musique. Un grand nombre de straight-edgers n’appartenant en fait à aucun crew. Ce phénomène de crew ne touche donc qu’une partie de la scène, la taille de certains d’entre eux doit de plus être relativisée : « on prend deux amis, on s’appelle un crew, on trouve un nom un peu stupide et on peut être sérieux avec ça ou juste le prendre à la rigolade ». Les crews sont bien une marque de fierté pour ceux qui en font partie, tandis que ceux qui ne connaissent pas vraiment le phénomène en ont une image négative associée à la violence. Malgré cette incompréhension, les crews peuvent s’intégrer dans les études traditionnelles de groupes sociaux. Aucune étude de cas n’ayant à ce jour été réalisée sous cet angle, cela ne nous a pas été possible. Malgré notre incapacité à vraiment le situer dans le cadre de l’étude des groupes sociaux, nous considérons que le straight-edge est un mouvement, suivant en cela les dires donc la subjectivité des acteurs. Les straight-edgers utilisent différents instruments pour se constituer en mouvement et se séparer du mainstream, notamment les concerts ou l’allure et les vêtements. Même si certains straight-edgers possèdent plus de capital symbolique que d’autres, il n’y a pas de leaders apparents du straight-edge mais plutôt des icônes liées à la musique. Certains straight-edgers appartiennent à des crews, provoquant parfois l’incompréhension de ceux qui n’y appartiennent pas. Nous avons déjà au cours de ce travail aperçu de nombreux aspects du discours straight-edge. Nous tacherons de mieux le cerner par deux questions principales. Tout d’abord qu’est ce que le discours straight-edge? Comment atteint-il son public? Quels sont les thèmes développés? Ensuite quel est le discours, ou du moins l’approche du straight-edge que proposent des groupes parmi les plus connus du straight-edge ? Que signifie pour eux être straight-edge? Une fois ceci posé, nous pourrons tenter de comprendre les actions des straight-edgers. Ces actions sont-elles liées au straight-edge? Si oui découlent-elles vraiment du discours et des positions des groupes straight-edge? A / LE DISCOURS STRAIGHT-EDGE Que disent les straight-edgers ? Quels sont les thèmes abordés par le discours straight-edge ? Par quels moyens ? Quel est le public touché ? Une partie de ces questions a déjà trouvé une réponse dans ce travail. Nous tâcherons alors de circonscrire le discours straight-edge à certains de ses aspects. Il s’agit d’abord d’étudier le discours straight-edge en analysant les vecteurs de ce discours, notamment pour voir quel est le public touché. Puis nous verrons quels sont les thèmes abordés par ce discours. 1) Les vecteurs du discours straight-edge Il existe pour nous quatre vecteurs du discours straight-edge, ou du moins quatre médias susceptibles de traiter du straight-edge : Ce sont tout d’abord les groupes straight-edge dans leurs paroles, les fanzines réalisés par des straight-edgers et Internet tel que nous l’avons vu lié au straight-edge. Enfin nous considérerons à part toute la presse ayant traité du straight-edge, mais qui n’appartient pas à ce mouvement. Nous avons traité du rôle des groupes straight-edge et des fanzines dans la diffusion des principes du straight-edge dans le H8000 crew. Ces groupes et fanzines touchent en grande majorité un public en dehors de leur scène d’origine, ils participent donc à la transmission du straight-edge à un niveau supérieur que l’on peut qualifier d’international. Ce sont donc bien tous les groupes et fanzines straight-edge qui participent à la promotion du discours straight-edge partout où ils sont distribués. Leur impact dépendant en partie de leur notoriété et du choix du mode de distribution ( D. I. Y. ou label plus ou moins important). Ceci étant surtout vrai pour les groupes. La présence du straight-edge sur Internet a déjà été envisagée dans ce mémoire, rappelons simplement que ces sites sont liés à la musique plus qu’au straight-edge en lui-même. Ils sont en effet principalement le fait de labels et groupes straight-edge qui visent d’abord à la promotion de leur musique. Il existe pourtant des sites tels straight-edge.com ou des fanzines en ligne qui proposent des présentations souvent succinctes du straight-edge et de son histoire. Enfin une partie de la presse internationale s’est intéressée au straight-edge. Il est pourtant regrettable que seule ou presque une frange extrémiste du straight-edge ait été jugée digne d’intérêt. En effet, Le Nouvel Observateur ou Time Magazine ne se sont préoccupés que du phénomène straigth-edge à Salt Lake City. Or nous l’avons dit, une partie des straight-edgers de Salt Lake City se sont constitués en gangs violents. Ces quelques centaines d’individus ne sauraient rendre compte de la totalité du straight-edge. The Observer s’est intéressé au phénomène d’une façon relativement honnête, en prenant pour base le straight-edge en Grande Bretagne et en étendant son article aux crimes commis par des straight-edgers. Le straight-edge a également été couvert par la télévision en France, aux Etats-Unis et au Danemark, mais le regard porté sur le sujet était extrêmement ironique. Ces quatre vecteurs touchent évidemment des publics différents. 2) Le public touché Le discours des groupes et fanzines straight-edge atteint d’abord les straight-edgers, mais aussi tous ceux qui écoutent de la musique punk et hardcore. Tous les individus présents sur la scène hardcore connaissent vraisemblablement le straight-edge, ses principes et quelques groupes straight-edge. Les groupes straight-edge qui s’aventurent hors de ces genres musicaux sont pourtant très rares. Ainsi il n’existe pas à notre connaissance de groupe straight-edge se disant simplement « métal ». Un groupe se qualifiera plutôt de « vegan straight-edge hardcore ». Il ne s’agit pas que d’une simple différence de termes. Pour beaucoup de scenesters, le hardcore tel qu’il est en vogue aujourd’hui est plus du « métal chaotique ». D’un certain point de vue, de nombreux groupes straight-edge jouent bien du métal, mais et c’est le plus important, ils appartiennent à la scène hardcore. Les groupes de straight-edge hardcore ont en effet peu de chances de jouer avec des groupes issus de la scène métal. L’important n’est donc pas tant la musique jouée que la scène sur laquelle un groupe se place. Un certain nombre de groupes straight-edge, qui jouent une musique que l’on peut qualifier d’« émo-pop » se placent également en partie sur la scène hardcore. Les groupes et fanzines straight-edge touchent donc bien en majorité un public issu des scènes punk et hardcore, mais il leur est difficile d’atteindre celui présent sur d’autres scènes musicales, quelle que soit la musique qu’ils jouent. Internet, nous l’avons envisagé, peut permettre à certaines personnes en dehors de la musique de découvrir le straight-edge. Les très nombreuses connexions de straigth-edge.com ne sont vraisemblablement pas que le fait de straight-edgers. La présence du straight-edge sur Internet est pourtant largement liée à la musique, une fois encore ce sont les scenesters du punk et du hardcore qui sont intéressés par de tels sites. Ce sont donc en majorité des individus qui connaissent déjà le straight-edge qui s’intéressent au discours straight-edge sur Internet. Le public des médias non straight-edge qui ont couvert le phénomène est évidemment largement différent. Parmi les lecteurs de Time Magazine ou du Nouvel Observateur, très peu sans doute connaissaient le mouvement straight-edge avant de le découvrir dans leur magazine. Les principes du straight-edge sont indéniablement mieux connus et par beaucoup plus de monde, depuis que ces médias du mainstream en ont parlé. Il subsiste pourtant un large problème qui est celui de l’image que ces lecteurs auront du straight-edge. Pour ceux du Nouvel Observateur « Les fêlés de l’Utah [les straight-edgers] [forment] le gang le plus invraisemblable et le plus intolérant d’Amérique », tandis que pour ceux de Time Magazine « des adolescent Amish fracassant des vitres de voiture avec des binettes » pourraient être la suite des agressions commises par des straight-edgers à Salt Lake City. Les lecteurs de ces magazines conserveront donc une image déplorable du straight-edge, image sans rapport avec la réalité du straight-edge telle quelle est vécue par l’énorme majorité des straight-edgers. Il faut donc distinguer ce qui relève du discours straight-edge, des articles consacrés au straight-edge. Le discours straight-edge émane en effet des groupes, fanzines ou sites straight-edge sur Internet. Les straight-edgers contrôlent ce discours, il s’agit d’un discours straight-edge dans le sens où des straight-edgers exposent leur vision du straight-edge. Tandis que dans le second cas, les médias rapportent ce qu’ils ont compris ou veulent bien comprendre du straight-edge. Dans ce cas, c’est d’un discours sur le straight-edge dont il s’agit. Ce discours n’est pas contrôlé par les straight-edgers et peut donner lieu à des interprétations erronées. Dans notre étude des thèmes du discours straight-edge, nous nous intéresserons en priorité à ce que disent les straight-edgers. 3) Les thèmes du discours straight-edge « Bien que la plupart de la musique straight-edge traite de vie sans drogue et sobre ; les relations humaines et la façon dont le reste du monde voit le mouvement straight-edge sont d’autres thèmes courants ».
La première fonction du discours straight-edge tel qu’il est pratiqué par les groupes et fanzines, est évidemment de rappeler les principes du straight-edge, principes étant entendus ici dans un sens plus large que dans la définition minimale du straight-edge que nous avons donné. Pour straight-edge.com : « les interprétations modernes [ du straight-edge] incluent le végétarisme (ou le végétalisme) ainsi qu’une prise de conscience et une implication plus importante quant aux problèmes environnementaux et politiques ». Ainsi le discours des groupes, comme nous le verrons dans la diversité des approches du straight-edge, dépend de leur conception du straight-edge et notamment du fait qu’ils pouvaient y rapporter le végétarisme et/ou l’écologisme. Il existe pourtant un certain nombre de débats qui traversent la scène straight-edge. Il en est un en particulier auquel de nombreux autres peuvent se rapporter : celui de l’ouverture du straight-edge. Les straight-edgers, nous l’avons dit, tiennent particulièrement à cultiver leur singularité par rapport au mainstream, ils constituent ainsi le straight-edge en mouvement. Ce vaste consensus sur la différence n’empêche pas une division quelque peu schématique en deux tendances. Soit le straight-edge reste à l’intérieur des scènes hardcore et punk, où il peut continuer à cultiver ses valeurs de D. I. Y., de différence et de participation active, valeurs qui sont fortes dans ces scènes ; soit il cherche à s’ouvrir à l’extérieur, dans d’autres scènes musicales, ou même en dehors de la musique où le straight-edge n’est que très peu répandu. Ce débat n’a pas lieu en tant que tel au niveau du straight-edge, mais plutôt au niveau de la conscience des individus, groupes, scènes. Ce débat n’est pas non plus le seul fait des straight-edgers. Il est comparable à celui ayant lieu entre partisans du D. I. Y. et partisans des labels. S’ouvrir à l’extérieur pour un groupe straight-edge, cela signifie jouer avec des groupes issus de scènes différentes, devant des publics qui ne connaissent pas les valeurs du D. I. Y. Bien sur, cette ouverture se fait le plus souvent au nom de la musique, du futur du groupe. On s’ouvre à de nouveaux publics pour pouvoir vivre de sa musique, tout en gardant intactes ses valeurs. Le groupe Earth Crisis a pourtant utilisé comme argument le fait de pouvoir mieux faire connaître le straight-edge quand il est passé chez un plus gros label. La notion de « vendu » découle également de ce débat sur l’ouverture. Si un groupe choisit de passer sur un gros label, alors que les valeurs du D.I.Y. sont prédominantes sur sa scène, il y a de fortes chances pour qu’il soit qualifié de vendu. Ce même terme est également parfois utilisé par certains straight-edgers pour qualifier ceux qui ont quitté le straight-edge. Le débat sur l’ouverture a également lieu à l’intérieur de scènes musicales données. Ainsi la scène hardcore est partagée entre straight-edgers et non straight-edgers. Le débat sur l’ouverture a également lieu à ce niveau. Est-il concevable pour des straight-edgers d’accepter que des gens fument à un concert où la majorité des spectateurs est straight-edge ? Pour certain d’entre eux la réponse est non. « Il est simple d’imaginer la dissonance entre les idéaux straight-edge et non straight-edge (…) le hardcore n’est pas simplement une construction straight-edge. Le hardcore est un type de musique écouté et crée par différentes personnes possédant des mœurs différentes. Des heurts ont évidemment lieu à des concerts entre straight-edgers et ceux qui n’appartiennent pas à cette sous-culture ». Pour mieux comprendre le discours straight-edge, il convient d’étudier la représentation que se font du straight-edge certains groupes parmi les plus connus. B / LA DIVERSITE DES APPROCHES DU STRAIGHT-EDGE Le but de cette partie est de présenter l’approche du straight-edge de trois groupes contemporains. Quelle-est leur vision du straight-edge ? Est-elle liée à d’autres mouvements ou principes ? Le straight-edge est-il pour eux une fin en soi ? Par quels moyens ces groupes développent-ils leur vision du straight-edge ? 1) Earth Crisis « Earth Crisis sont de Syracuse, New-York, et sont probablement le groupe le plus décrié à l’heure actuelle de par la virulence de leurs propos (…) Dès leurs débuts Earth Crisis impressionnent et dérangent à la fois, ils impressionnent par leur puissance avec un hardcore très métal, lent ,lourd, ce qui à ce moment là [1991] est une innovation, d’où émerge un chant très puissant au service de discours militants (…) ce qui choque beaucoup en Earth Crisis est la vigueur de textes où face à un monde violent , il y a légitimation d’une autre violence dans une déclaration de guerre aux démons qui torturent et tuent des animaux » Earth Crisis représentent en effet une ligne dure du vegan straight-edge. Ils ne sont pourtant pas des hardliners au sens où ils ne sont pas homophobes et acceptent l’avortement dans de nombreux cas. Le groupe est fortement marqué par la personnalité de son charismatique chanteur Karl Buechner. La lutte pour le straight-edge est pour eux liée à celle pour le végétarisme et l’écologie. Ainsi dans leurs morceaux ils traitent d’écologie : « alors que les régions tropicales ne semblent rien d’autre qu’une région sur une carte, destinées à être pillées de leurs ressources, au profit des entreprises ». Le problème des droits de l’Homme est également évoqué : « Unseen Holocaust est à propos de la façon dont les peuples natifs ont été chassés de leurs territoires dans le monde entier, comment on a violé leur culture, leur religion, leur mode de vie (…) Nous avons également un morceau à propos des mauvais traitements [infligés] aux enfants, un autre à propos de la façon dont des personnes innocentes se trouvent impliquées dans des guerres à propos de ressources naturelles ou de conflits religieux ». Earth Crisis aborde aussi le thème du végétalisme : « Chaque vache, mouton, porc, chèvre ou poulet, être innocent,vu comme un produit en préparation, élevé seulement pour être massacré et consommé » En ce qui concerne le straight-edge en tant que tel, les dangers de l’alcool sont d’abord dénoncés : « l’ivresse paralyse le cerveau, rien ne change, rien ne s’améliore, bouteilles vides et journées vides » . L’action directe est encouragée dans leur morceau le plus connu : « Firestorm » « Rue par rue, block par block, reprenons tout, la jeunesse immergée dans le poison retourne la marée de la contre-attaque. Une tempête de feu pour purifier le bain dans lequel se noie la société. Pas de pitié, pas d’exceptions. Une déclaration de guerre totale. La défense des innocents, la raison pour laquelle nous nous insurgeons (…) Seigneurs de la drogue et dealers, tous doivent tomber, une tempête de feu pour purifier ». Leur conception du straight-edge est pourtant classique à première vue : « le straight-edge est l’engagement de toute une vie à ne jamais boire d’alcool, fumer de cigarettes, prendre de drogues illégales comme échappatoire ou s’engager dans une sexualité de promiscuité (…) Je ne vois le straight-edge que comme ce qu’il est réellement, seulement un commencement. Il ouvre la voie vers les droits de l’Homme et de l’animal et à beaucoup plus de liberté personnelle ». Ainsi Earth Crisis proposent une vision du straight-edge conforme au straight-edge originel, ils y ajoutent le végétalisme, mais sans le considérer comme une partie intégrante du straight-edge. La violence est pour eux légitime dans la lutte contre les dealers, mais aussi les assassins d’animaux ou les saboteurs de la nature : « Les moyens légaux sont épuisés (…) l’action directe est la dernière ressource ». Le straight-edge n’est pourtant pour eux qu’un début dans la lutte pour la liberté. 2) Catharsis Le groupe Catharsis est originaire de la région d’Atlanta et est pour nous un exemple extrêmement intéressant dans la mesure où il propose une des pensées liées au straight-edge les plus fouillées et théorisées : le straight-edge étant intégré dans une théorie anarchiste plus vaste. Le groupe est surtout marqué par la personnalité de son chanteur, Brian Dingleding, diplômé de philosophie, qui propage ses idées par deux vecteurs, son groupe Catharsis tout d’abord, mais aussi par le biais de son fanzine Inside Front, particulièrement reconnu au sein de la scène straight-edge hardcore. Catharsis, qui jouent un hardcore new school particulièrement influencé par le Death Métal, ont à ce jour sorti trois albums : Le premier intitulé Catharsis, regroupe en fait des enregistrements précédents. Il est sorti sur le label Crimethinc, géré par un collectif dont fait partie Brian D. Ce disque comprend de très nombreuses références religieuses - un morceau s’intitule même « I Corinthians 1 : 18-29 » [épître de saint Paul aux Corinthiens] - ou plutôt critiques virulentes de la religion : « Votre soumission et vos mensonges sacrés, je ne m’abaisserais jamais à les comprendre. Vous vous êtes sacrifiés vous-mêmes ; Vous avez élevé vos temples aux cieux » Le matérialisme occidental est également rejeté : « cela devient ritualisé, des mensonges rituels (…) l’opium d’une pauvre infection, acheté et payé par l’infection. En occident : les maisons ». L’emphase est aussi mise sur les difficultés de l’existence, de la condition humaine : « la vie est dure, encore plus quand elle est bâtie sur un mensonge, et encore plus quand on ne sait pas si on veut vivre ou mourir » . Cet album comprend donc de nombreuses références bibliques, illustrant les difficultés de l’existence, le plus souvent qualifiée d’enfer, difficultés dont le principal responsable est la religion. L’album suivant est intitulé Samara et sort toujours sur Crimethinc dont la devise est alors « ni dieu, ni maître ». Le thème du refus de toutes les religions demeure omniprésent et est développé dans des pages d’explication du morceau « Choose your heaven » : « quel genre de paradis est donc celui qui nous est promis par le catholicisme, le bouddhisme et tellement d’autres religions d’orient ou d’occident ? Pensez-vous que ce « paradis » puisse seulement être atteint en se prosternant devant l’autorité divine et en abandonnant toutes nos aspirations terriennes, est-ce votre idée du paradis ? Etes-vous tellement épuisés de cette vie et tellement conditionnés à vivre comme des esclaves, que la soumission complète et l’annihilation du moi semblent seuls valoir la peine d’être recherchés ? (…) vos désirs sont uniques et vous seuls pouvez décider de ce qui est bien et mal pour vous(…) choisissez votre paradis et battez-vous pour lui jusqu’à la mort, ou bien soyez satisfaits de vivre en enfer ». Ce pamphlet forme un bon résumé de la pensée de Catharsis que nous synthétiserons plus tard. Il est à noter qu’un nouvel élément dégrade encore dans cet album la condition humaine, la perte de l’être cher. Le troisième album Passion est sorti fin 1999, toujours sur Crimethinc dont la devise devient « une conspiration de la cinquième colonne ». Les thèmes antérieurs de la difficulté, voire même de l’inutilité de l’existence sont repris et développés sur un mode plus abstrait, avec moins d’attaques directes contre la religion. Ces difficultés de l’existence ayant bien sur les mêmes causes : « un autre seuil de douleur, comme tous les pas de ma vie » Ainsi Catharsis développe à travers ces trois albums la difficulté de l’existence humaine, manipulée par des puissances divines ou terrestres qui ont pour nom dieu, matérialisme ou envie. Ces ambiances malsaines sont amplifiées par l’utilisation dans les livrets de symboles religieux, une crucifixion sur la pochette de Samara, mais aussi monstrueux, la créature sur la pochette de Catharsis, voire même sataniques, une danse de sabbat avec la mort sur Passion. Les couleurs proches du rouge et du noir sont particulièrement appréciées pour renforcer ces sentiments. Les références littéraires, Haldous Huxley sur le droit à ne pas être heureux dans « Brave New World », ou bibliques « nous avons épargné pendant qu’ils dépensaient » et même philosophiques, Karl Marx sur la nature humaine, sont bienvenues. Les dessins illustrant l’impuissance de l’Homme face à l’existence ( un homme seul adossé au milieu d’un mur gigantesque), à dieu (un homme courbé devant une croix), utilisés surtout dans le premier album résument les idées de Catharsis : « utilisez vos cerveaux, Humanité, prenez le contrôle, Choisissez votre paradis, n’acceptez ni dieu, ni maître » Ces thèmes sont repris et développés sur un mode différent dans le fanzine Inside Front dirigé par Brian Dingledine, le chanteur de Catharsis. Le thème du straight-edge, quasiment absent des paroles du groupe, du moins de manière explicite, se retrouve beaucoup plus fréquemment dans le fanzine où il est articulé avec d’autres thèmes, pour former une pensée plus globale. Ce fanzine à la parution irrégulière (environ tous les neuf mois et toujours en retard sur les prévisions) est pourtant d’une taille imposante (aujourd’hui supérieure à 120 pages) et bénéficie d’une notoriété importante sur les scènes punk et surtout hardcore. Son sous-titre est particulièrement évocateur « journal de la révolution … et du punk hardcore » (numéro 9) ; « un assaut tous azimuts contre le capitalisme, la hiérarchie politique et l’ordre moral, la « civilisation » occidentale et vous » (numéro 11). La vision du straight-edge de Brian Dingledine est présentée dans les éditoriaux, les réponses au courrier des lecteurs et les colonnes d’opinions (nommées cinquième colonne) ouvertes à d’autres auteurs, mais contrôlées par lui. Inside Front par les écrits de Brian D. se revendique d’abord ouvertement anarchiste. De cette proclamation découle un refus du contrôle exercé par l’Etat et la société en général. Brian D. se vante de ne pas avoir de toit, de voler sa nourriture (végétarienne) et ainsi de ne jamais payer aucun impôt. De même le contrôle social exercé par le capitalisme, la religion (thème majeur de Catharsis) et toute cette « civilisation occidentale » doit être refusé : il faut penser librement pour soi. Le straight-edge chez Brian D. et Catharsis s’inscrit dans cette double perspective, il s’agit de refuser de payer à l’Etat les taxes dont il bénéficie avec l’alcool et le tabac, et d’autres part d’éliminer toute dépendance du corps à ces produits. Tout comme l’esprit doit être libéré du contrôle social, le corps doit être libéré des drogues par le straight-edge. Le straight-edge est donc un moyen de lutter à la fois contre l’Etat et l’ordre social en vigueur. Le straight-edge s’inscrit donc dans une perspective anarchiste où il est un élément parmi d’autres et non pas une fin en soi. La vision du straight-edge que possède Snapcase ressemble un peu à celle de Catharsis, mais elle est également intéressante par ses caractéristiques propres. 3) Snapcase Le groupe Snapcase est originaire de Buffalo, dans l’état de New-York Il est l’un des plus vieux groupe straight-edge hardcore new school et est souvent cité en référence par les fans du genre. La conception du straight-edge qu’ont ses membres est particulièrement originale et métaphorique. Ainsi leur dernier album en date (2000) s’appelle « Designs for automotion », des modèles d’autodétermination en quelque sorte. Le straight-edge n’est jamais abordé directement mais s’inscrit dans cette perspective d’autodétermination :
« vous avez besoin de vous réveiller et d’activer les rêves de votre esprit, désœuvré, révolte, héros … vous êtes votre héros. Ils vous cambriolent, ils vous démolissent, Et vous laissent sans rien (…) Qu’importe ce qu’ils essayent de vous apprendre, Il faut vous élever et révolutionner votre pensée. » Ainsi Snapcase proclame la nécessité du réveil et de l’ « auto-libération » de l’individu dans une approche qui ressemble quelque peu à celle de Catharsis, mais à la différence de ces derniers, la direction du changement est moins explicitement spécifiée. Le straight-edge est pour Snapcase un moyen de se libérer de ce conditionnement que nous impose la société. Etre straight-edge permet de libérer son corps et son esprit. Le problème de l’approche de Snapcase étant qu’elle est particulièrement abstraite et métaphorique, donc parfois difficile à analyser. Les thèmes de l’ignorance, de l’incompréhension et de la vie emprisonnée sont en tout cas omniprésents. Ces trois groupes présentent donc des approches différentes du straight-edge, Earth Crisis étant particulièrement virulent pour prôner dans ses paroles l’action directe ; tandis que Catharsis intègre le straight-edge dans une approche anarchiste et que Snapcase le voit sur un mode abstrait de libération de l’individu. Le discours ayant été envisagé, il reste à voir ses éventuelles conséquences sur les actions des straight-edge. C / LES ACTIONS DU STRAIGHT-EDGER Le fait de parler d’action des straight-edgers et non pas simplement du straight-edge découle de notre étude du straight-edge en tant que mouvement, où nous avons vu que les relations entre straight-edgers ne forment souvent qu’un réseau lâche de solidarités. Le straight-edge ne possède pas non plus leaders, ni de hiérarchie formelle, les actions de ses membres ne sauraient donc qu’être envisagées au niveau des individus, voire de collectifs d’individus (les crews ?).
Dans la mesure où nous avons analysé une partie du discours straight-edge, nous pouvons maintenant nous intéresser à la conformité des actions au discours des straight-edgers. Les straight-edgers suivent-ils dans leurs actions les indications ou les préceptes de certains groupes ? Ou bien au contraire leurs actions n’ont-elles aucun lien avec le straight-edge ou relèvent d’autres mouvements ? Comment expliquer une éventuelle faiblesse ou absence d’actions en faveur du straight-edge ? Pour Ian Mackaye : « le seul but du mouvement straight-edge auquel je puisse penser serait d’essayer de faire arrêter les gens de boire ou quelque chose comme ça ». Le straight-edge aurait donc des buts, des objectifs, dans ses actions qui soient conformes à ses principes. Il faut rallier un maximum de gens au straight-edge, qui plus est puisque cela doit être bénéfique pour leur santé. Ainsi certains fanzines proposent des chroniques sur les méfaits du tabac, des sites Internet straight-edge dénoncent les dangers de la drogue. Les intimidations, voire même les violences faites aux fumeurs dans certaines villes américaines ne concernent que partiellement cette catégorie, dans la mesure où elles sont le fait de gangs violents et marginaux du straight-edge. Par contre les groupes straight-edge dénonçant alcool, drogue et sexe occasionnel pratiquent bien un mode d’action straight-edge. Le problème de ces actions, qui parfois ne semblent qu’appartenir au discours, qu’à une propagande straight-edge, est qu’elles se heurtent à une certaine conception du straight-edge. Toujours selon Ian MacKaye : « mais selon mon point de vue, si quelqu’un essayait de me faire arrêter de boire, je serais franchement énervé ». Le straight-edge pour nombre de straight-edgers est vécu comme quelque chose de véritablement personnel. On est straight-edge pour soi et non pas pour les autres. Il s’agit de protéger sa santé, d’adopter un mode de vie conforme à ses idéaux, mais surtout pas de convaincre les autres de devenir straight-edge. Une partie des straight-edgers se veulent aussi tolérants, il ne saurait être question pour eux d’influer sur le mode de vie des non straight-edgers. Un certain nombre d’actions sont malgré tout imputées aux straight-edgers, notamment dans L’Utah : « les straight-edgers ont commencé par détruire un restaurant mac Donald en l’arrosant d’essence et en l’enflammant avec des cocktails Molotov (…) quelques mois après, c’est la boutique d’un grossiste de cuir qui partit en fumée. Puis celle d’un marchand de chaussures, puis celle d’un fourreur ». Or ces actions n’ont à priori rien à voir avec les principes du straight-edge. Il s’agit d’action de libération animale. Les straight-edgers seraient « liés à des groupes quasi terroristes, tel l’Animal Liberation Front ». De plus « le végétalisme est une croyance du gang violent, le straight-edge (…) tous les straight-edgers sont paraît-il végétaliens ». Les attentats seraient donc bien menés par des straight-edgers, mais au nom de la libération animale qui n’appartient pas directement au straight-edge : « c’était un acte végétalien et non pas straight-edge » dit un straight-edger, commentant son attentat contre un Mac Donald. Les straight-edgers ont clairement l’intention de revendiquer d’éventuels attentats à titre personnel, dans le but de ne pas incriminer l’ensemble du straight-edge. Les rapports entre straight-edge et action directe sont de plus à relativiser : « les liens entre le punk, le straight-edge et l’action directe et violente sont beaucoup plus diffus [ qu’on ne le dit] ». En ce qui concerne les actions des straight-edgers, il y a d’un coté l’Utah, où de nombreux attentas ont été commis par des straight-edgers au nom de la libération animale ; et le reste du monde où les actions des straight-edgers sont beaucoup plus symboliques. A notre connaissance, il n’y a jamais eu d’actions engagées par des straight-edgers contre des compagnies de cigarette ou d’alcool. Pour Brian Dingleding : « le morceau Firestorm n’a à mon avis jamais conduit à aucune chasse au dealer ». Les actions des straight-edgers restent donc largement symboliques, ce sont en fait plus des discours que des actions. Comment alors expliquer cette faiblesse des actions ? Outre la conception individuelle du straight-edge, où il convient de ne pas faire de prosélytisme, deux explications peuvent être avancées : le rapport au politique des straight-edgers est peut-être différent. Ce sont des jeunes, hors du mainstream, qui n’ont peut-être pas confiance dans le système politique conventionnel. Leurs actions ne trouveraient donc pas d’autres modes pour s’exprimer et resteraient ainsi des discours. Mais la musique a vraisemblablement aussi un rôle dans cette faiblesse d’action. De vecteur du discours straight-edge, elle deviendrait une fin en soi. De nombreux straight-edgers feraient de la musique pour elle-même et s’y investiraient beaucoup plus que dans le straight-edge en tant que tel. La musique serait devenue plus importante que le straight-edge. Pour preuve, le rôle des labels qui dans la quasi-totalité des cas distribuent et produisent des groupes straight-edge, mais sans faire par ailleurs de propagande straight-edge. |